La Goyesque d'Arles a 20 ans cette année
- ADMIN
- Jan 17, 2018
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Updated: Jan 14, 2020
Et bien non, la première fresque monumentale dessinée sur la piste des arènes d'Arles à l'occasion d'une corrida goyesque n'est pas l'oeuvre de Christian Lacroix en 2005 !
C'est le Samedi 11 Avril 1998, que l'artiste Jean Michel Mouiren, désormais connu comme "Juan Zíngaro" imagina et réalisa "Alhambra une fresque de 1500 m2 sur le sol du ruedo arlésien.
"Fransisco José Goya y Lucientes naquit à Fuendetodos (Aragon) en 1786 et mourut à Bordeaux en 1828. A l'occasion du centenaire de sa mort de grande fêtes eurent lieu en Espagne, des corridas furent données. On voulut revêtir celles ci du caractère qu'elles comportaient à l'époque où Goya réalisa sa série de belles eaux fortes intitulée "Tauromaquia". Ces corrida données avec le succès que l'on sait dans les principales plazas d'Espagne furent bàptisées du nom de Goyescas"
Dans les plazas françaises, le centenaire de la mort de Goya, "Don Francisco él de los toros" (il signait ainsi certaines de ses lettres) ne revêt rien d'exceptionnel. La corrida goyesque arrivera pour la première fois dans les arènes d'Arles et en France, le 12 juin 1932. Sollicité par de nombreuses directions d'arènes pour l'organisation de cette authentique "goyesca", l'impresario espagnol Pagés en avait décliné les offres parce qu'il avait promis à son ami "Pouly" (à l'époque directeur des arènes d'Arles) de lui en réserver la primeur.
Ensuite il faudra attendre 1990 pour assister à un spectacle du même genre, reconstitution historique de la corrida telle qu'elle était présentée au XVIIIe siècle en Espagne, particulièrement dans la ville de Ronda: En grande partie, on l'imagine grâce aux peintures et aux gravures réalisées par Goya entre les XVIIIe et XIXe siècles. Le code de la tauromachie originel est élaboré au temps de Goya et le torero Pedro Romero, une de grandes idoles de la tauromachie est contemporain de Goya. Au XVIIIe siècle la corrida ne pouvait donc être que goyesque.
D'ailleurs c'est encore le cas de nos jours, puisque sur le plan purement tauromachique la corrida goyesque correspond à celle d'aujourd'hui, "tercios" de piques, de banderilles et mise à mort sont toujours les trois actes successifs de la tragédie. Mais la corrida goyesque n'est plus traditionnelle; elle se distingue justement par son décor créé pour les corridas royales espagnoles, il y a un peu plus de 200 ans.
Jean Michel Mouiren l'inspiration mauresque
Les vrais tapis qui décoraient le sol des arènes en ouverture d'une corrida goyesque n'ont plus cours. Désormais, on privilégie "la fresque monumentale", tracée sur le sable de la piste. La version 1998 qui supportera la corrida goyesque sera due au talent du peintre Arlésien Jean Michel Mouiren, aussi connu comme "Juan Zíngaro", sollicité par Hubert Yonnet directeur des arènes d'Arles. Oeuvre éphémère, elle demandera à l'artiste deux ou trois jours de préparation sur le terrain, avec l'aide de la société des ocres de France à Apt et de son ami le ferronnier Robert Doutres. Cette fresque trotte dans la tête de l'artiste depuis des mois, pour finalement s'effacer, ce samedi 11 avril 1998, au rythme de la danse du torero et du toro. Jean Michel Mouiren s'est inspiré du style mauresque, celui que l'on trouve dans les somptueux palais du sud de l'Espagne. Sa fresque composée en son centre d'un savant mélange d'étoiles et d'arabesques et réhaussée de motifs inspirés des costumes portés par les toreros au temps de Goya, deviendra alors la mosaïque "Alhambra". Executée avec des pigments orces, oranges et rouges, ainsi que de l'oxyde de fer rouge et noir, c'est un hommage à Goya qui envahira l'arène.

Sur un tapis
Le 12 juin 1932, les arènes d'Arles se parent des couleurs de Goya. Le chroniqueur "Alguno" écrira dans El Toril: "Aujourd'hui, le pretexte du centenaire de la mort de Goya est oublié et la "goyesca" devient une simple exhibition. A l'époque l'hebdomadaire L'homme de bronze l'annonce comme l'evenement de la temporada: "décorations somptueuses , paseo ou défilé des cuadrillas, avec des reines de beauté d'Espagne en carrosses de grand gala, musique militaire nº3 du bataillon de Figueras, sur une piste recouverte d'un immense tapis d'une valeur inestimable, et avec cela un cartel de matadors et toros absolument supérieurs". Ce jous là étaient annoncés 8 toros de Don Simao da Veiga pour les matadors Vicente Barrera, José Mejía Bienvenida et Jaime Noain. NTLR .
A la sortie des arènes les aficionados venus assister au spéctacle ne cachent pas leur déception d'ailleur reprise en echo par le Forum Républicain et El Toril. "On s'attendait à mieux, explique le premier. Des grands tapis et tentures dont l'amphitéâtre devait être couvert on peut doute de l'origine. Les belles et jolies filles faisaient fonction de reines d'Espagne, venues d'au-delà des Pyrenées ou du Rhône troublaiente un peu leur origine par leur verbe éminemment français, et mème provençal. El Toril n'hésitera pas à souligner le caractère ridicule et trop commercial de cette manifstation; il la qualifie de défilé historique du plus pur comico- grotesque. La course elle même ne releva pas le niveau.
Sur une fresque
Est-ce pour effacer l'échec que les arènes d'Arles ne s'aventureront que 58 ans plus tard dans une entreprise de la sorte? En fait c'est l'exposition arlésienne consacrée à Goya et à son oeuvre tauromachique qui donnera le prétexte d'une corrida goyesque en 1990. Jean Claude Duffau souligne alors dans le Provençal: "Les tardes de toros à la mode "goyesca" se comptent d'une seule main et leur rareté s'explique par les difficultés inhérantes à leur préparation. La moindre note de mauvais goût et le spectale frise la parodie"
Il ne se passera rien de tel le samedi 14 avril 1990 à 16h 30. La seule fausse note sera la pluie, présente aussi en 1932, qui abîmera plus vite que prévu la fresque dessinée par le peintre René Dauby sur laquelle auraient dû évoluer les toros d'El Sierro et les toreros Roberto Dominguez, José Ortega Cano et Fernando Lozano.
En 1998, rien de particulier n'augurait une corrida goyesque, si ce n'est, qu'il y a 100 ans, le corps de Goya reposant depuis son décès au cimetière de Bordeaux, était rendu à l'Espagne. Cependant Hubert Yonnet décide de confier le soin d'une évocation de Goya à l'artiste arlésien Jean Michel Mouiren. Personne ne sera déçu cette fois.
ARLES: LES FASTES DE GOYA*
La feria pascale a débuté hier sous la pluie, par un spectacle rare. Dans des arènes copieusement garnies et sur une piste décorée par le peintre arlésien Jean Michel Mouiren, la fête a débuté par un magnifique défilé de calèches, de cavaliers andalous et des toreros dont les costumes étaient inspirés de ceux portés du temps de Goya. La corrida elle même a été dominée par le triomphe del Tato, le seul a dégeler vraiment un public transi. Le matador aragonais a coupé trois oreilles dans l’après midi et est sorti sous les ovations. Denis Loré qui remplaçait Enrique Ponce blessé a tiré son épingle du jeu en obtenant une oreille de son deuxième adversaire.

*Une de couverture de la Provence du 11 avril 1998
C'est dans des arènes copieusement garnies que le Samedi 11 Avril 1998, Denis Loré, Raúl Gracia "El Tato" et José Tomas s'alignaient au paséo pour combattre des toros d'Atanasio Fernández, composant un cartel imaginé par Hubert Yonnet alors directeur des arènes.
La corrida, elle même fut domninée par le triomphe d'El Tato. Le matador aragonais a coupé trois oreilles dans l'après midi et est sorti sous les ovations. Denis Loré sur la photo ci-dessous toréant le quatrième toro sur une fresque encore visible et qui remplaçait Enrique Ponce bléssé, à tiré son épingle du jeu en obtenant une oreille de son deuxième adversaire.

Et bien non, la première fresque monumentale dessinée sur la piste des arènes d'Arles à l'occasion d'une corrida goyesque n'est pas l'oeuvre de Christian Lacroix en 2005 !
Jean Paul Chambas en 2006, Lucien Clergue en 2007, Jean Pierre Formica en 2008, Ena Swensea en 2010, Claude Viallat en 2011, Loren en 2012, Ruddy Ricciotti en 2013, Marie Hugo en 2015, n'ont fait que s'inspirer du travail et des arguments de l'artiste arlésien Jean Michel Mouiren, tout comme de son oeuvre mounmentale "Alhambra", réalisée en 1998 et qui fut la première fresque visible dans les arènes d'Arles à l'occasion d'une corrida goyesque.
A l'occasion de cet événement, Joël Jacobi signait un très beau reportage intitulé Barriolé et diffusé dans l'emission "Face au toril" du 17 Avril 1998.

Sur la photo, le toreo Paco Manuel “Termita”, Jean Michel Mouiren “Juan Zíngaro”, le torero Alain Leal “Banane” de la cuadrilla de Fernández Meca et un agent de police égaré venus prêter main forte.
José Guirao signait un texte dans lequel il racontait de façon magnifique, les motivations et les arguments de l'artiste Jean Michel Mouiren:
Jean Michel Mouiren réalisera une fresque appelée “Alhambra” sur le sol du ruedo arlésien, le peuplant d’étoiles multicolores, reflets d’un ciel andalou.
Jadis, à Ronda, berceau de la tauromachie moderne, se concrétisa une des expressions artistiques les plus émouvantes que des hommes aient jamais inventée, la corrida, qui dans cet aprés-midi du 11 Avril 1998 prendra la forme d’un poème de feu et de sang, de vie et de mort, écrit sur le sable tatoué d’arabesques d’oxydes noirs et rouges, d’ocres rouges et jaunes.
Avec Alhambra, Jean Michel Mouiren aura su transporter toutes l’Andalousie sur le ruedo arlésien et pendant ce temps de la corrida, les toros et les toreros vont déplacer, effacer, redessiner la fresque. Les artistes, ce seront eux aussi, commettant un art spontané et évolutif.
Vous verrez de larges traces sur les étoiles andalouses, de nouveaux mélanges de couleurs se faire, des formes étonnantes apparaître.
Quand tout sera fini, il restera dans vos mémoires, la trace d’un affrontement entre des toros mystérieux et beaux et des toreros fiers et courageux et du sang mêlé à la lumière des étoiles explosées.
Il restera le souvenir d’une peinture belle comme la passe profonde d’un torero immobile et calme.
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